Je ne suis pas une artiste.
Je n'ai jamais tout-à-fait saisi le sens de l'évasion à travers l'art. Jamais compris ou partagé ce ressenti que l'on entend si souvent dans la bouche des artistes: 'j'écris pour m'échapper, je dessine pour voyager'.
Lorsque j'écris ou dessine, ce n'est pas sous le coup d'une quelconque inspiration divine, ce n'est pas pour expulser un bien-ou-mal-être génial par la sudation créative, ni pour me débarrasser d'un imaginaire omnipotent qui déborde en le déversant tout autour de moi. Ce que je produis n'est pas de l'art.
L'artiste, dans sa définition la plus universellement reconnue, utilise son émotivité comme matière première, sa souffrance, ses extases: je ne suis pas une artiste, car ma souffrance me freine, ma joie me distrait, mon émotivité est tout juste bonne à impulser les choses en me dirigeant vers mes crayons avant de me quitter pour laisser place à ce qui me plaît vraiment dans mes activités: le travail, le bon, pas celui par lequel on recherche l'amnésie, mais celui qui nous lance dans les multiples plaisirs offerts par la documentation, par l'analyse, par la recherche, par l'exploration, par la volonté de trouver LE chemin à suivre pour obtenir ce que l'on désire. Je suis un artisan.
Aujourd'hui, lorsque je m'attelle (avec toutes les peines du monde) à un texte ou à une illustration, ce n'est pas pour le plaisir de créer, ce n'est plus pour cela. Lorsque l'on crée, le plaisir loge dans les impulsions, dans la nécessité de concevoir quelque chose qui véhicule un état, une idée, dans l'émotion de celui, celle ou ceux qui le recevront. Si j'ai connu ce plaisir un jour (et en saisissant de fugaces moments de grâce, je me souviens que c'est le cas), je ne le connais plus.
Aujourd'hui, lorsque je m'arme d'un crayon, ce n'est plus pour créer: c'est pour travailler. Non parce que je suis lasse du dessin ou de l'écriture, mais parce que le dessin et l'écriture ne sont plus les objectifs premiers de toute cette mécanique. Ma motivation vient de la seule, pure et froide perspective de travaille, cette fois-ci, dans le mauvais sens du terme.
Le travail, quel qu'il soit, contraint à une concentration absolue, une dévotion totale.
Seul cet état d'immersion permet de s'extraire pendant quelques heures du joug de l'insécurité matérielle, de s'abriter de l'épée tenue non par Damoclès, mais par les puissantes mains du Découvert, du Loyer Impayé et de l'Impuissance Financière.
Je travaille aujourd'hui pour cela. Plus la tâche est fastidieuse, ingrate, répétitive, plus la magie opère. Ce n'est pas une évasion poétique: c'est une fuite, c'est s'isoler dans le caisson d'un abri nucléaire et ressentir un certain soulagement à la vue de son austérité (car alors, rien ne nous distrait).
Même dans le processus de fabrication, cet état général se ressent: consciemment ou non, je choisis désormais le chemin le plus difficile pour atteindre le résultat que je me suis fixé, presque heureuse de devoir en passer par le moment où je déchire tout, car il implique qu'l va alors falloir tout recommencer, se remettre au travail, poussée par la nécessité, par la pression du temps imparti, par l'obligation de résultat.
C'est pour cette raison que j'ai tant de mal à me mettre au dessin et à l'écriture en ce moment, et tant de facilité à intégrer mon poste chaque matin. Pour enclencher les rouages de l'aquarelle et de la narration, il faut être (ne fût-ce qu'un bref instant) appâté par la perspective de créer. Le travail pour lequel je me lève chaque jour avant le soleil ne requiert pas cet authentique enthousiasme: il offre tout de suite les fruits de ses promesses sans rien demander en retour: travail, travail, travail.
Parfois, lorsqu'à force de distractions ouvrières je parviens à oublier pour une fraction de seconde l'hécatombe matérielle et professionnelle dans laquelle je me trouve, tout se teinte de nouveaux coloris: 'ce dessin, je l'ai fait pour faire plaisir', 'celui-ci je l'ai griffonné pour faire rire', 'et si je faisais ça?', 'je crois que j'ai une idée'. Le plaisir revient...puis l'épuisement rouvre les vannes, l'épée scintille d'un éclat froid, Atlas jette son encombrante charge sur mes épaules.
Je ne suis pas une artiste.
Je suis un artisan qui aime travailler.
Je suis un artisan qui aime travailler, mais qui ne travaille plus pour de bonnes raisons.
Voilà le pourquoi ce blog est si désert.
Je n'ai jamais tout-à-fait saisi le sens de l'évasion à travers l'art. Jamais compris ou partagé ce ressenti que l'on entend si souvent dans la bouche des artistes: 'j'écris pour m'échapper, je dessine pour voyager'.
Lorsque j'écris ou dessine, ce n'est pas sous le coup d'une quelconque inspiration divine, ce n'est pas pour expulser un bien-ou-mal-être génial par la sudation créative, ni pour me débarrasser d'un imaginaire omnipotent qui déborde en le déversant tout autour de moi. Ce que je produis n'est pas de l'art.
L'artiste, dans sa définition la plus universellement reconnue, utilise son émotivité comme matière première, sa souffrance, ses extases: je ne suis pas une artiste, car ma souffrance me freine, ma joie me distrait, mon émotivité est tout juste bonne à impulser les choses en me dirigeant vers mes crayons avant de me quitter pour laisser place à ce qui me plaît vraiment dans mes activités: le travail, le bon, pas celui par lequel on recherche l'amnésie, mais celui qui nous lance dans les multiples plaisirs offerts par la documentation, par l'analyse, par la recherche, par l'exploration, par la volonté de trouver LE chemin à suivre pour obtenir ce que l'on désire. Je suis un artisan.
Aujourd'hui, lorsque je m'attelle (avec toutes les peines du monde) à un texte ou à une illustration, ce n'est pas pour le plaisir de créer, ce n'est plus pour cela. Lorsque l'on crée, le plaisir loge dans les impulsions, dans la nécessité de concevoir quelque chose qui véhicule un état, une idée, dans l'émotion de celui, celle ou ceux qui le recevront. Si j'ai connu ce plaisir un jour (et en saisissant de fugaces moments de grâce, je me souviens que c'est le cas), je ne le connais plus.
Aujourd'hui, lorsque je m'arme d'un crayon, ce n'est plus pour créer: c'est pour travailler. Non parce que je suis lasse du dessin ou de l'écriture, mais parce que le dessin et l'écriture ne sont plus les objectifs premiers de toute cette mécanique. Ma motivation vient de la seule, pure et froide perspective de travaille, cette fois-ci, dans le mauvais sens du terme.
Le travail, quel qu'il soit, contraint à une concentration absolue, une dévotion totale.
Seul cet état d'immersion permet de s'extraire pendant quelques heures du joug de l'insécurité matérielle, de s'abriter de l'épée tenue non par Damoclès, mais par les puissantes mains du Découvert, du Loyer Impayé et de l'Impuissance Financière.
Je travaille aujourd'hui pour cela. Plus la tâche est fastidieuse, ingrate, répétitive, plus la magie opère. Ce n'est pas une évasion poétique: c'est une fuite, c'est s'isoler dans le caisson d'un abri nucléaire et ressentir un certain soulagement à la vue de son austérité (car alors, rien ne nous distrait).
Même dans le processus de fabrication, cet état général se ressent: consciemment ou non, je choisis désormais le chemin le plus difficile pour atteindre le résultat que je me suis fixé, presque heureuse de devoir en passer par le moment où je déchire tout, car il implique qu'l va alors falloir tout recommencer, se remettre au travail, poussée par la nécessité, par la pression du temps imparti, par l'obligation de résultat.
C'est pour cette raison que j'ai tant de mal à me mettre au dessin et à l'écriture en ce moment, et tant de facilité à intégrer mon poste chaque matin. Pour enclencher les rouages de l'aquarelle et de la narration, il faut être (ne fût-ce qu'un bref instant) appâté par la perspective de créer. Le travail pour lequel je me lève chaque jour avant le soleil ne requiert pas cet authentique enthousiasme: il offre tout de suite les fruits de ses promesses sans rien demander en retour: travail, travail, travail.
Parfois, lorsqu'à force de distractions ouvrières je parviens à oublier pour une fraction de seconde l'hécatombe matérielle et professionnelle dans laquelle je me trouve, tout se teinte de nouveaux coloris: 'ce dessin, je l'ai fait pour faire plaisir', 'celui-ci je l'ai griffonné pour faire rire', 'et si je faisais ça?', 'je crois que j'ai une idée'. Le plaisir revient...puis l'épuisement rouvre les vannes, l'épée scintille d'un éclat froid, Atlas jette son encombrante charge sur mes épaules.
Je ne suis pas une artiste.
Je suis un artisan qui aime travailler.
Je suis un artisan qui aime travailler, mais qui ne travaille plus pour de bonnes raisons.
Voilà le pourquoi ce blog est si désert.
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