Accéder au contenu principal

Left



Ctrl+C
Ctrl+V
Ctrl+C
Ctrl+V
Ctrl+C
Ctrl+V
Ctrl+C
Ctrl+V
Ctrl+C
Ctrl+V

Alors que j'entame la septième heure de Ctrl+C et Ctrl+V de la journée, je décide d'octroyer à ma main gauche engourdie une distraction bien méritée.
J'ai toujours traité cette main gauche comme l'on traite une connaissance un peu encombrante, pour laquelle on ressent de l'affection et peut-être un brin de condescendance. Avec tendresse, mais sans passion. Prenant subitement conscience de la morosité des tâches dont elle s'acquitte en ce moment au travail, je lui dois des excuses.

Un même cauchemar s'est souvent décliné dans mon paysage onirique : la perte de ma main droite. Brûlée, tranchée, écrasée, aspergée d'acide, dévorée par des insectes, brisée, pétrifiée, inerte, elle a péri ou a été invalidée de mille façons dans des rêves desquels je m'extrayais en chérissant l'existence de la main gauche qui serait, si l'un d'entre eux venait à se réaliser, la seule à pouvoir me sauver du silence.

Silence, oui. Le seul vrai silence dans ma réalité. Perdre ma voix... Perdre les occasions de dire des idioties, de causer des pluies diluviennes en tentant de pousser la chansonnette, de céder à l'emportement, à la tentation du bon mot stérile parfois inconséquent, blessant. Je pourrais m'y faire.

Mais être amputée de mon appendice le plus sollicité... Ne plus pouvoir tenir un stylo, taper sur un clavier, manipuler un pinceau, une gomme, une aiguille, un poinçon, un tube de colle, un aiguisoir et tant d'autres choses dont la pratique et le perfectionnement, toujours en cours, ont demandé des années d'un mélange d'instinct et d'entraînement. Et en demanderont encore autant.
No. Can. Imagine.  
No. Can. Do.

Combien d'années faudrait-il à ma main gauche pour atteindre le dixième de l'habileté de la droite et entre autres, acquérir la même rapidité d'exécution au moment de couvrir des pages entières de fils continus d'encre?

Pourtant, elle serait mon seul recours, mon seul secours. 

Elle serait délestée de l'abondante garniture d'argenterie qui ne se trouve pas sur sa jumelle pour des raisons pratiques évidentes. Le bout de mon index gauche, actuellement rond et rebondi comme le talon du nourrisson qui ne se tient pas encore debout, serait dans un premier temps sujet aux ampoules, sa peau durcirait petit-à-petit et il finirait par être légèrement aplati à l'endroit où vient se poser le stylo. Le même sort serait réservé à ce millimètre carré de peau du majeur qui supporte la plume et absorbe les débordements d'encre ou les éclats de graphite. La jointure entre métacarpes et phalanges au niveau de l'auriculaire se déformerait, ma main s'enroulerait sur elle-même dans sa largeur comme une feuille de thé mise à sécher. Elle gagnerait en stabilité et en souplesse.

Elle finirait, péniblement et après des mois, des années de torture et de conditionnement à des activités qui ne lui étaient pas destinées, par acquérir son style, sa calligraphie propre, ses abréviations, ses réflexes. Elle finirait peut-être même à aller assez vite pour pouvoir rivaliser avec le fantôme de sa défunte soeur en répondant au flux neuronal et émotif qui rythme pensées et écriture.

Et alors là, peut-être la respecterai-je et la craindrai-je autant que je respecte et crains actuellement ma main droite.


C'est fini, je ne dirai plus jamais de mal de ma main gauche.

Demain, je ferai les copier-collers à la souris.

Clic-droit+copier
Clic-droit+coller
Clic-droit+copier
Clic-droit+coller
Clic-droit+copier
Clic-droit+coller
Clic-droit+copier
Clic-droit+coller



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

4 ans, 215 jours, 23 heures, 58 minutes et 9 secondes

Le 14 Septembre 2015, à 17h26. Les outils informatiques sont prodigieux en cela qu'il devient désormais presque toujours possible de dater à la minute près la plupart des événements marquants d'une vie. Je me souviens de cette minute de l'après-midi du 14 Septembre 2015 comme si elle venait de s'écouler. A la fenêtre de mon appartement du 20ème arrondissement, j'ai sorti mon smartphone, un BlackBerry Q10, pour prendre une seule photo du ciel. Cette photo-ci. Litha a grimpé sur mes genoux alors que j'étais en train de l'envoyer à la personne à laquelle elle était destinée, personne dont, je l'ignorais encore alors, le téléphone ne permettait pas de recevoir de MMS. Quelques heures plus tard, à 1h12 (nous avions basculé au 15 Septembre), je renvoyais ce même cliché à l'adresse mail palliative que j'avais reçue entre temps. Je me souviens exactement de ce que je ressentais, de ce que j'ai ressenti dans les moments qui ont précédé et

18- Un gribouillis

Les Planches et le Mauvais Scanner

Nouvel exercice pour les cours: réaliser un dossier éditorial complet pour une BD de quatre pages, histoire évidemment au choix. Synopsis + Présentation et croquis des personnages + Storyboard complet + Pages encrées et colorées Gloups. J'ai donc choisi de reprendre le premier chapitre des Dragons de Gorgelac afin de voir ce que cela pourrait rendre en BD ( la motivation principale était surtout de ne pas perdre de temps à re-créer une histoire, en anticipation du travail titanesque que cet exercice allait représenter pour moi qui ne suis pas-vraiment-tout à-fait-complètement-encore BéDéïste! ) Quand on fait les choses correctement, dans l'ordre et non pas à la sauvage ( comme ici ) on découvre donc à quel point créer une BD est un tarvail fastidieux et ce qu'il requiert d'opiniâtreté! Voici les quatre planches en question, qui passeront demain à l'encrage. Veuillez pardonner mon incompétent scanner qui semble av